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Zelda, Princesse bibliophile

2020, un été sous le signe du roman policier : l’Aiguille creuse – Maurice Leblanc (Folio, 2012)

17 Août 2020, 17:15pm

Publié par Zelda

Gilles Bornais, plusieurs fois récompensé, n’est évidemment pas totalement un inconnu, mais je vais aborder cette fois un maître, un classique : Maurice Leblanc, créateur du plus célèbre des cambrioleurs de fiction, Arsène Lupin.

 

Je reste du côté de la littérature française, donc, mais je m’éloigne des sphères contemporaines. Ce faisant, je m’éloigne également du roman noir, et surtout de ces romans policiers actuels débordants de serial killers aux crimes plus glauques les uns que les autres. Arsène Lupin, lui, est un gentleman. Si crimes il commet, ses motivations ne découlent pas d’une psyché malade mais d’une logique implacable : il ne tue qu’en dernier recours et pour assurer son salut.

 

J’en profite pour avouer en toute honnêteté que c’est la première fois que je lis une aventure de Lupin. Je n’ai jamais été très attirée par les histoires de cambrioleurs. Pourtant, lorsqu’une collègue me l’a conseillé pour mes vacances, j’ai pris ce livre. L’argument était simple : une partie de l’action se déroule à Etretat, où j’avais décidé d’aller. Quoi de mieux pour visiter un lieu que de lire des œuvres qui s’y déroulent ?

2020, un été sous le signe du roman policier : l’Aiguille creuse – Maurice Leblanc (Folio, 2012)

L’histoire commence ainsi : Mlle de Saint-Véran, orpheline recueillie par son oncle et sa cousine, tire sur un cambrioleur et le blesse, mais on ne retrouve pas le corps de ce dernier, et rien ne semble avoir été volé alors que l’on a vu des complices s’enfuir bien chargés. Si la police est perplexe, elle est bientôt secondée par un jeune et brillant étudiant en rhétorique, Isidore Beautrelet, qui saura mettre en lumière les agissements de Lupin.

 

 

De nos jours, on n’écrit plus des enquêtes de ce genre, menées de cette façon. Les techniques employées par la police ont été révolutionnées par les apports des sciences en termes d’outils mais aussi de méthode. Ainsi, l’œuvre a un peu vieilli : les déductions de Beautrelet semblent sortir de nulle part, et sa méthode n’a rien de rigoureuse. Non seulement il fait fi des indices tangibles, mais en plus, il insiste sur leur invalidité dans le cas de Lupin : celui-ci serait si habile qu’il forgerait toutes les preuves qu’il souhaite. Si cet argument participait à l’aura du personnage et à la fascination qu’il exerçait à la fois sur les autres protagonistes des livres, et sur les lecteurs de l’époque, il m’a semblé à moi, dans le contexte actuel, un peu tiré par les cheveux.

 

 

Je crois qu’on ne peut qu’être déçu si l’on espère la rigueur d’un roman policier moderne dans ce livre, car il s’agit plutôt d’un roman à énigmes : les péripéties successives découlent toujours d’un casse-tête à résoudre, comme on en trouve aujourd’hui plutôt dans des romans d’aventure à teinte policière (un peu comme le Da Vinci Code). Parfois, j’ai eu des images d’Indiana Jones ou de Benjamin Gates en tête, avec ces codes à déchiffrer, ces vieux manuscrits à retrouver, ces portes qu’on ne peut ouvrir qu’en posant le pied sur telle ou telle marche ou en tournant telle ou telle pierre dans un sens précis. Il ne manquait que les pièges mortels.

Et puis, l’apothéose, la découverte du secret des rois de France, le trésor de la France, si bien caché et oublié que seul Lupin a pu le trouver. Là, je me serais cru dans les Goonies face au navire pirate oublié dans sa grotte. C’était un peu trop et en même temps mignon et un peu candide.

J’ai également trouvé capillotractés ces incessants retournements de situation reposant toujours sur le même élément, la maîtrise du déguisement par Lupin. Si j’admets qu’il s’agit d’une caractéristique typique d’Arsène Lupin qui participe à le rendre insaisissable, qui est attendue et qui ajoute de l’imprévu et une certaine méfiance à chaque nouveau personnage croisé, j’ai trouvé ce ressort fatiguant à la longue, avec un air de deus ex machina dont on abuse.

 

Le style lui, est un peu daté aussi, mais bien de son époque au fond : un peu pompeux, un peu emprunté, mais cela correspond bien à l’ambiance recherchée et aux personnages érudits que l’on rencontre au fil du récit. Il ne plaira pas à tout le monde, mais ne m’a pas déplu, d’autant plus que l’œuvre bénéficie d’un rythme particulièrement soutenu qui ne laisse pas le temps de s’ennuyer.

 

 

J’en conclus que pour lire un Arsène Lupin avec plaisir, il ne faut pas chercher la vraisemblance. Nous ne sommes en réalité pas face à un véritable roman policier mais à une œuvre hybride, qui emprunte à ce genre, certes, mais aussi et surtout au roman d’aventure. Une fois qu’on l’a accepté, on peut l’apprécier à sa juste valeur, comme un divertissement ancré dans son époque, dont le but assumé est d’amuser et d’émerveiller. Pour cette raison, je l’ai bien aimé malgré ses travers, car d’une certaine façon ils sont ce qui lui confère ce charme désuet tout particulier qui nous permet de rêver à de fabuleuses aventures.

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